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Edge, un marché en devenir. Par la 5G et l’IoT

Sep 29, 2021 | Data Center | 0 commentaires

Qui dit cloud, dit -souvent- hyperscale. Plus rarement edge. Or, sans bruit, tout un marché est en train de se créer en périphérie. Explications d’Olivier Labbé, de Cap DC.

° Hyperscale, edge… Si les stratégies des géants du cloud public sont claires, quid du edge que l’on présente comme un point d’inflexion en 2021. Mais, d’abord, comment le définir ?

Olivier Labbé (*) : « Selon la définition d’IDC, le edge computing peut être considéré comme un réseau maillé de micro data centers qui traitent ou stockent les données critiques localement. Les données sont ensuite transmises vers un data center central ou un stockage cloud avec une empreinte extrêmement réduite.»

«Personnellement, je situe ces centres de données entre les data centers métropolitains, en l’occurrence ceux que l’on voit dans les grandes villes de province, et les centres destinés à des usages spécifiques comme la 5G. Je pense d’ailleurs que la 5G fera exploser la demande du edge ! A titre indicatif, on se situe entre des installations de 3 ou 4 MW IT et des installations de 300 KW IT. »

Aux limites des data centers globaux

° Cet essor vers la périphérie marque-t-il la fin programmée des grands centres de données ?  

« Nullement. Ce mouvement de fond, qui amène les data centers au plus près des utilisateurs et des données produites plutôt que de transférer les données vers le cloud, s’explique par l’évolution des usages. Le streaming vidéo, la visioconférence, le e-gaming, la 5G et, demain, l’IoT nécessitent une latence -le temps de réponse à la demande de transaction informatique- de plus en plus faible, avec des volumes de données de plus en plus importants. Il est donc impossible de recourir uniquement à des data centers globaux distants de plusieurs centaines de kilomètres, voire des milliers. Si, par exemple, une Google Car a besoin d’une information critique pour prendre une décision en termes de conduite, il faudra que la latence soit de quelques millisecondes. C’est pourquoi des petits data centers sont en train d’être déployés dans les zones urbaines, pour précisément héberger cette infrastructure. »

° Dans la hiérarchie des data centers, où situer le edge ?  

« Sous les data centers nationaux, domaine où Cap DC s’est largement imposé. Exemple typique, le campus de Data4 en cours de construction à Madrid : 7.300 mètres carré de salles pour 13 MW IT. La limite inférieure serait le pico data center. Je pense ici à Qarnot Computing, qui a conçu un radiateur-ordinateur embarquant de la puissance informatique comme source de chaleur, à installer directement là où on en a vraiment besoin, à savoir dans les logements et les bâtiments. En délocalisant les calculs informatiques au sein des habitations, cette solution annule l’empreinte carbone numérique, tout en offrant un chauffage gratuit et écologique aux usagers. La capacité de calcul informatique est décentralisée dans les bâtiments où sont implantés les radiateurs, et non plus dans des data centers. Ce principe répond totalement à la définition du edge ! »

La vitesse de déploiement, enjeu majeur

° N’est-ce pas carrément un autre métier ?

« Pour nous, oui ! Les entreprises souhaitant déployer des data centers edge rencontrent principalement deux obstacles : identifier des sites rares en zones très urbaines -par définition où la population est la plus dense- et transformer en data centers ces sites qui n’ont absolument pas été prévus pour cela -par exemple un immeuble haussmannien, un ancien magasin, etc. C’est pourquoi, dans le cadre de ce type de projets, nous nous sommes associés à CBRE afin d’apporter, ensemble, une réponse complète aux acteurs du edge pour leur déploiement d’infrastructures numérique.» 

« L’idée : s’appuyer sur l’expertise complémentaire de chaque entité. L’objectif : permettre aux opérateurs de bénéficier rapidement d’une offre d’espaces disponibles et qualifiés, dans un marché où la vitesse de déploiement est l’enjeu majeur. D’un côté CBRE apporte son savoir-faire dans la recherche et l’identification des futures espaces immobiliers, jusqu’à la négociation et la signature des contrats de location ou de vente des bâtiments. Cap DC, en parallèle, amène toute son expertise concernant la réalisation de bâtiments critiques en effectuant notamment la qualification technique de chaque site sélectionné et en suivant de près la réalisation des futurs data centers edge.» 

Edge ou l’arrivée de nouveaux prétendants

° A travers ce partenariat, unique en son genre, on sent bien que le marché du edge est différent. Qui peut le prendre ? Les acteurs traditionnels du data center, comme les Equinix ou Interxion pour ne citer qu’eux ?

« Il n’est pas certain que les acteurs traditionnels de la colocation vont se disperser. Je crois davantage à l’arrivée de nouveaux prétendants. La raison est simple : on touche à des infrastructures spécifiques et à des contraintes inédites. Récemment, pour un projet, nous avons installé un data center edge dans… une crypte ! Si l’endroit était considéré comme idéal sur le plan de sa localisation, nous avons dû tenir compte de multiples contraintes d’accessibilité, d’acoustique, d’évacuation de chaleur, de structure ou encore d’intégration des horaires des offices religieux dans les planning de travaux ! »

« L’edge attirera de nouveaux acteurs, c’est sûr. Comme Cellnex, par exemple, avec qui nous collaborons déjà sur de nombreux projets. Cette entreprise espagnole, spécialisée dans les infrastructures de télécommunication, notamment dans la gestion des pylônes de télécommunication, est aujourd’hui à la tête de milliers de sites à considérer comme autant de relais edge. »

° Ne faut-il pas voir là une opportunité pour les grands exploitants d’infrastructures ?

« Certainement. Je pense ici à Terralpha, qui tire pleinement parti de la capacité excédentaire dans les fibres de la SNCF -un patrimoine de plus de 20000 kilomètres ! Egalement dans ses actifs, quelque 3.000 gares et points d’arrêt, ce qui crée un large potentiel de connectivité au sein de points névralgiques pour la population. Plus la présence d’électricité aux abords des gares et des voies. Or, on le sait, dans le domaine du numérique, l’accès à l’électricité est stratégique. Le projet de cette entreprise n’est plus ni moins que créer ‘le TGV de la donnée’. Leurs « dalles numériques » permettront aux opérateurs ou aux industriels de la donnée d’héberger sur l’emprise foncière sécurisée des gares leur micro data center, pour ainsi effectuer leurs propres opérations de transit de données, de calcul et de stockage. C’est, ici encore, un très bel exemple de edge ! »

5G, IoT… tout se tient !

° 5G, IoT… la piste semble toute traçée….

« C’est évident. Demain, quand l’IoT fera pleinement partie du paysage numérique, l’edge computing sera un allié de choix puisqu’il traitera localement les données issues des objets connectés, par exemple des capteurs présents directement sur une machine ou une canalisation pour détecter en temps réel une éventuelle fuite. À l’aide de micro data centers agrégeant et croisant de multiples données, comme celles issues des systèmes embarqués des voitures connectées ou des drones, l’edge permettra de réduire les circuits de traitement et rendra les objets plus réactifs. »

« La 5G fera elle aussi franchir un nouveau cap à l’IoT en proposant à la fois des technologies bas débit comme le LTE-M et des temps de latence répondant aux exigences de l’IoT critique. Elle renforcera dans le même temps les capacités d’analyse de données en masse telles que nous les connaissons actuellement à travers l’intelligence artificielle. L’objectif est clair : une vision globale de l’activité et des ajustements de processus immédiats.

L’IA, un accélérateur

° Un pas de plus vers les smart cities ?

« Les flux de données de l’IoT traitées dans des temps réduits pourront en effet déclencher automatiquement des changements simples de processus sur les objets. La présence d’algorithmes d’IA en local favorisera en outre le développement de boucles correctives sur des processus plus complexes tels que l’anticipation des pannes ou encore les opérations de maintenance sur un appareil. »

« Les secteurs de l’industrie et de l’énergie pourront ainsi utiliser le traitement des données à la source pour éviter le partage involontaire de leurs informations de production. Les smart cities, qui analysent la data pour mesurer les dépenses énergétiques, la qualité de l’air, la gestion des déchets ou la fluidité du trafic pourront, quant à elles, s’appuyer sur une infrastructure de proximité avec un réseau décentralisé capable de traiter les données à l’endroit où elles sont produites. Bref, nous n’en sommes qu’aux tout débuts ! »

(*) Olivier Labbé, CEO, Cap DC, filiale de Cap Ingelec – Interview au cours du salon ICT Infra, le 23 septembre, Van der Valck Hotel, Nivelles.

Propos recueillis par Alain de Fooz