L’informatique, un métier genré, bien que…

Fév 5, 2020 | Latest, Workplace | 0 commentaires

Toujours peu de femmes en informatique. Le métier est-il genré ? Quelques pistes de réflexion avec Laure Lemaire de Interface 3. Changer la donne est possible.

L’informatique a-t-elle un sexe ? Au propre, la réponse à la question est non puisqu’il ne s’agit pas d’un être vivant. Au figuré, l’appel à une réponse affirmative est plus qu’évident. Le métier de l’informatique est genré. C’est un fait : ce domaine d’activité est dominé par les hommes depuis les années 80.

Aujourd’hui, les filières STIC (sciences et technologies de l’information et de la communication) diplôment moins de 10 % de jeunes femmes. En Fédération Wallonie Bruxelles, à peine une quarantaine sortent diplômées en informatique chaque année. Chez Interface 3, 75 femmes qualifiées sortent chaque année en IT, plus 45 initiées et orientées.

Même dans les formations privées ou publiques, ouvertes à la reconversion, le pourcentage de femmes ne dépasse pas les 15%. Laure Lemaire, directrice, Interface 3, regrette qu’il n’y ait pas plus de candidates. «Pourtant, pour équilibrer les équipes, beaucoup d’entreprises cherchent à recruter des femmes aujourd’hui, elles ont de réelles opportunités d’emploi !»

Désamour, vraiment ?

Les stéréotypes de genre sont présents tout au long de notre vie : à l’école, lors du choix des études, dans les loisirs ou encore dans les carrières professionnelles. Véhiculés dès le plus jeune âge, ils orientent, limitent voire censurent parfois nos choix. Pour les déconstruire, il nous faut investir dans de nombreux champs d’actions publics et privés. L’éducation, le monde du travail, mais aussi la politique peuvent être des sphères d’émancipation et doivent intrinsèquement porter le combat pour la lutte contre les stéréotypes.

Parmi les causes du désamour des jeunes femmes pour l’informatique, les enseignants citent les représentations genrées des métiers dès l’enfance et l’adolescence. La construction des clichés se fait en famille ou à l’école. Quant à l’image du geek, elle continue d’exercer un effet de répulsion pour les femmes. «Il existe encore aujourd’hui encore une caricature de l’informaticien dont les caractéristiques principales seraient d’être un homme, peu sociable, logique, passionné par la technique, plus à l’aise avec les machines qu’avec les humains», énumère Laure Lemaire. Enfin, si le sexisme n’est pas plus répandu que dans d’autres secteurs professionnels, le déséquilibre entre le nombre d’hommes et de femmes dans l’informatique y accentue ses effets, estime la directrice d’Interface 3.

Mais l’impact de ce désamour pourrait se révéler plus grave dans les années à venir. Laure Lemaire le martèle : «Fabriquer le monde de demain, qui sera numérique, sans les femmes, n’est pas souhaitable. Les femmes ne peuvent pas être exclues de ce monde en devenir et de son formidable potentiel d’emploi !» 

Faut-il encore encourager la mixité ?

Des solutions ? Oui : tout d’abord informer sur la diversité des métiers derrière cette technologie, sensibiliser et initier les femmes à ces techniques, en adoptant une approche attentive aux facteurs qui freinent les jeunes filles (les stéréotypes de genre, le manque de «prérequis» techniques, la difficulté à se retrouver en minorité, …). Encore et toujours. Mais aussi, sans doute, aborder la question différemment.

Et Laure Lemaire de s’interroger sur la mixité. «Faut-il continuer à encourager la mixité des formations IT quand on voit que cela ne fonctionne pas ?» Ainsi, la fameuse Piscine, de l’Ecole 19, centre d’autoformation au codage informatique, gratuit et accessible aux 18-30 ans, a été organisée une fois en mode «non-mixte» et réservée aux jeunes femmes. Le pourcentage de filles au sein de leurs étudiants a brusquement augmenté à 15% alors qu’il était de moins de 10%. C’est un signe.

Une autre piste : donner l’opportunité aux enfants de découvrir le code et non pas la bureautique -le plus tôt possible- afin que les jeunes filles puissent se faire leur propre avis, sans être bloquées par les stéréotypes.

Taux de sortie positive : 83 % !

Et chez interface 3 ? «Plus que les jeunes filles, nous attirons davantage de femmes décidées à réorienter leur carrière. Elles arrivent avec une expérience de l’informatique en tant qu’utilisatrices; elles en savent l’importance, voire le potentiel.»

Sur les deux groupes 100% femmes qui ont suivi le module d’initiation organisé avec la INCO Academy en 2018 et se sont ensuite engagés dans une formation longue, 80% des étudiantes ont trouvé un job dans l’IT (formations terminées en juin 2019); celles qui ont été formées via le module INCO en 2019 suivent aujourd’hui les formations Back-end Developer et Front-end Developer, toujours en cours. Cela fait 4 ans que INCO et Interface 3 collaborent pour initier les jeunes femmes à la programmation, 150 femmes ont suivi leurs modules de formation avec un taux de sortie positive de 83%.

Ne pas ressembler à une geek

Le programme INCO soutient également un accélérateur de start-up, Start Up Factory, en parallèle aux formations organisées avec Interface 3. C’est un deuxième volet du programme au sein duquel les deux organisations ont également, depuis 2018, mis le focus sur les femmes entrepreneures et la volonté de dynamiser l’entrepreneuriat féminin. Depuis 2016, INCO a formé 525 personnes et accéléré 72 start-ups dans les 3 pays du Benelux, à Bruxelles, Luxembourg et Amsterdam. Sur 2018-2019, INCO a formé 65% de femmes. Tout cela avec le soutien de la Fondation JP Morgan.

S’il y a progrès, les préjugés et les freins à la mixité restent nombreux, regrette Laure Lemaire. D’un côté, il y a des jeunes femmes qui se disent que ce n’est pas leur place parce qu’on leur a toujours dit que les filles aimaient le français et les garçons les maths ou qui ne veulent pas ressembler à une geek. D’un autre, des jeunes femmes qui ne connaissent pas la diversité des métiers de l’informatique et qui, par conséquent, ne voient que le côté technique

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