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« L’homme augmenté », sur les traces d’Elon Musk

Fév 7, 2024 | Lifestyle | 0 commentaires

Dans son livre « L’homme augmenté », Raphaël Gaillard s’attaque à une machine à fantasmes : la perspective d’« augmenter » l’humain en l’hybridant à la technologie. Réaliste ?

Hier, l’intelligence artificielle était un fantasme de science-fiction. La voilà sur le point de nous remplacer dans bien des fonctions. Faut-il anticiper un affrontement entre la machine et l’homo sapiens ?

Vaste question. Dans la nuit du lundi 29 au mardi 30 janvier, une puce de plus de 1.000 électrodes de Neuralink a été implantée dans le cerveau d’un homme quadriplégique. Le patient aurait bien récupéré. Pour Elon Musk, c’est une étape majeure dans son objectif :  contrôler par la pensée les ordinateurs. Un jour, bientôt. Et donc de relier le cerveau humain et l’ordinateur.

Il faudra sans doute attendre plusieurs mois avant de voir si ce patient sera en capacité d’utiliser cet implant pour contrôler un ordinateur ou tout autre dispositif. Ce dernier doit, en plus de se remettre de l’opération, être formé à l’utilisation du dispositif. Ce qui peut prendre plusieurs semaines, écrivait voici peu Wired. Pas plus de détail. La dernière mise à jour du blog de Neuralink remonte à plus de cinq mois…

Un appendice de nous-mêmes

Dans son livre « L’homme augmenté » (Grasset), Raphaël Gaillard, normalien et psychiatre, directeur du pôle hospitalo-universitaire de psychiatrie de l’hôpital Saint-Anne et de l’Université Paris Cité, aborde le sujet en qualité de psychiatre et chercheur en neurosciences. Pour lui, cette nouvelle intelligence, née en imitant notre cerveau, a toutes les raisons de s’hybrider avec notre propre intelligence. Le défi ne sera pas de rivaliser avec l’IA, mais de réussir cette hybridation. D’ores et déjà, les interfaces cerveau-machine permettent à un homme paralysé de marcher ou de transmettre ses pensées. « Demain, nous utiliserons l’IA comme nous utilisons nos smartphones. C’est-à-dire partout et tout le temps, comme un appendice de nous-même. Voire en l’incorporant… »

C’est mettre l’homme en interface avec la machine, le robot donc, l’ordinateur. « Pas seulement son squelette, ce qu’on appelle l’exosquelette, pas seulement sa force physique, mais son organe le plus fantastique, celui qui nous définit, celui qui fait que nous sommes cette espèce particulière, celle des sapiens : son cerveau ! »

Pour réparer. Mais est-ce si différent d’augmenter ?

Bref, une vision du monde de demain. Faut-il en avoir peur ? Comment nous préparer à cette nouvelle ère ? « Nous avons déjà connu une grande hybridation avec l’avènement de l’écriture et de la lecture, signant notre passage de la Préhistoire à l’Histoire. Déposer hors de soi notre savoir par l’écriture, et se le réapproprier par la lecture, n’était pas si différent de ce que la technologie nous promet. Puisque cette aventure fut une réussite pour l’humanité, nous ferions bien de nous en inspirer… »

Ce n’est plus de la science-fiction. « Déjà, on soigne tous les jours des patients qui ont une maladie de Parkinson avec des électrodes intracérébrales qui viennent contrôler le tremblement très invalidant », relève Raphaël Gaillard. Ici, c’est pour réparer. Mais est-ce si différent d’augmenter ? A cette nuance près : « notre cerveau, c’est 85 milliards de neurones qui ont chacun 1 000 à 10 000 connexions et il n’y a pas un port USB qui permet d’accéder à l’ensemble ! » Pour autant, ce qu’on peut faire, c’est mettre en contact des puces de silicium avec certaines parties du cerveau pour augmenter certaines compétences en lien avec cette partie-là du cerveau.

Changer la pile de l’homme augmenté

Réaliste ? Raphaël Gaillard est un homme de science, clinicien de surcroît. Pour lui, « il faut aller vers la technologie, s’y préparer. Et la meilleure façon de s’y préparer, c’est de faire ce qui a réussi à l’échelle de l’humanité, la grande hybridation, la grande augmentation de l’homme par l’écriture et la lecture. »

Et qui dit réalité dit précautions. « Les neurotechnologies sont souvent mises au point par des startups ultra-inventives. Mais combien survivent d’un point de vue économique ? Donc, il arrive qu’elles abandonnent des patients avec des implants sans que personne ne puisse les entretenir, les mettre à jour, changer la pile, etc. Danger ! On ne peut abandonner des patients avec des implants qu’on ne sache entretenir. »

Le sujet est également social. Le risque serait, à terme, de vivre dans une société divisée entre l’élite augmentée et le peuple non-augmenté, entre ceux qui ont les moyens de ceux qui ne les ont pas.