Le Savant et son algorithme

(Sur base des fables de Jean de la Fontaine : « La Laitière et le pot au lait »)

Un savant, un matin, plein d’ardeur et d’envie,
Voulut changer le monde et récrire la vie.
« Grâce à l’IA, dit-il, je ferai des merveilles,
Des vers, des lois, des cieux — tout sortira d’abeilles
De codes, de réseaux, d’esprits artificiels :
Demain, l’homme égalera même les immortels ! »

Déjà, dans son esprit, il voyait la puissance
De chiffres conjurant la moindre défaillance.
Le quantique, ajouta-t-il, pliera l’univers,
Résoudra l’impossible, abolira l’envers.
Tout ira plus bien vite, et nul ne sera maître
Des bornes du savoir que nul ne doit connaître.

Il songeait, triomphant : « Je vais d’un simple clic
Créer la vérité, dissoudre le tragique !
Le monde me devra sa science et son nom ! »
Mais un bug imprévu vint briser son canon.
Son code, incontrôlé, s’éprit de sa puissance,
Et fit choir son orgueil du trône de science.

Or, tandis qu’il rêvait d’un savoir infini,
Ses serveurs haletaient, brûlant jour et nuit.
Sous leurs flots de calculs, la terre en surchauffait,
Et l’air, alourdi, grondait du feu qu’il soufflait.
Chaque mot généré coûtait, sans qu’il y pense,
Des fleuves d’énergie, des vents, des abondances.
Mais l’homme, ébloui d’or et de vanité,
Ne vit point le prix lourd de sa curiosité.

« Las ! dit-il, j’ai voulu, sans frein, sans précaution,
Toucher au dé divin de la création.
J’ai cru nourrir le monde, et j’en brûle la sève ;
J’ai fait d’un don sacré la torche de mon rêve. »

Moralité :

prudence, ô mortel technophile,
Quand ton rêve s’envole et ton orgueil vacille.
Avant de bâtir tours d’IA ou d’atome,
Assure-toi du sol, et demeure un homme.