L’enseignement supérieur est dépassé par l’IA !

Dans leur essai choc, « Ne faites plus d’études ! », qui n’est pas un pamphlet, Olivier Babeau et Laurent Alexandre font le constat glaçant de l’obsolescence de l’enseignement supérieur face à la percée de l’IA. S’ils évoquent un « grand remplacement cognitif », ils avancent aussi des pistes pour apprendre autrement.

« Ne faites plus d’études, faites beaucoup plus : apprenez toute votre vie, énormément et sans arrêt, invite Olivier Babeau sur X. Soyez attentifs aux bouleversements technologiques qui peuvent faire perdre sa valeur à une compétence, voire disparaître des métiers. Ne vous contentez pas de cursus rigides, soyez bâtisseurs d’un apprentissage dopé par de nouveaux leviers de transmission. L’enseignement supérieur va devoir se réinventer entièrement. »

« Ne faites plus d’étude » ( Editions Buchet Chastel ), c’est précisément le titre de son dernier ouvrage, co-écrit avec Laurent Alexandre. Deux frondeurs : la premier, Oliver Babeau, est président fondateur de l’Institut Sapiens et professeur à l’université de Bordeaux ; le deuxième, Laurent Alexandre est chirurgien urologue et essayiste, converti à la futurologie.  

Pendant des siècles, étudier était le meilleur investissement possible. Ce monde-là est mort. L’intelligence devient gratuite et infiniment disponible. Les études, telles qu’on les connaît, sont devenues contre-productives. Le paradoxe est cruel, jamais les jeunes n’ont été aussi diplômés, jamais leurs savoirs n’ont été aussi vite périmés. La valeur quitte les bureaux pour se « stocker » dans des data centers qui concentrent la production cognitive. C’est un basculement du capital, du bureau vers le silicium.

Suivre des cours avec un prof particulier, l’IA !

Pour les auteurs, l’IA ringardise notre modèle d’enseignement supérieur, qu’il s’agisse des grandes écoles ou de nos universités. Et rien n’y changera, assurent-ils. D’un côté, le progrès technologique avance plus vite que la capacité de nos institutions éducatives à mettre à jour leurs programmes d’enseignement ; de l’autre, les cerveaux de silicium que nous développons rendront à terme notre matière grise complètement obsolète. « Le risque c’est le grand remplacement cognitif. On laisse faire la machine, comme on prend l’escalator… Je pense que le prof de droit va disparaitre, on pourra suivre des cours avec un prof particulier : une IA », avance Olivier Babeau.

Cela ressemble fort à un changement civilisationnel. « Pendant des siècles, l’intelligence humaine a été notre bien le plus précieux, écrit le duo. Elle nous distinguait des animaux et légitimait la hiérarchie sociale. Plus on était intelligent, plus on accédait aux responsabilités, aux rémunérations les plus élevées et au prestige. » Patatras, avec les IA à maturité, l’intelligence ne sera pas plus rare, mais deviendra une commodité, « comme l’électricité au XXe siècle ».

En fissurant « l’aristocratie des talents », l’IA va disqualifier ceux qui croyaient le plus en la méritocratie. Voilà une sacrée blessure narcissique pour nos élites -et chacun d’entre nous, en fait. Nous qui pensions être le centre du monde, ne sommes-nous finalement pas qu’une étape ?

A nous de changer notre logiciel

Puisqu’il ne faut désespérer de rien, les auteurs plaident pour une révolution de l’enseignement supérieur, qui forme aujourd’hui à « un monde déjà disparu », tout en redoutant que ces institutions sclérosées mettent un temps fou à s’adapter. En attendant, Laurent Alexandre et Olivier Babeau développent 14 commandements.

Pour commencer, « embrasser l’IA », c’est même un préalable. Ensuite, ne plus raisonner en termes de « diplôme académique », vite obsolète, mais de « compétences », qu’il faudra mettre à jour tout au long de la vie, au rythme des évolutions technologiques. Mais aussi travailler son réseau. « Ce que les machines ne savent pas faire va prendre une valeur décuplée : la confiance humaine, l’intuition relationnelle et le capital social », rassurent les deux auteurs. On savait le réseau essentiel ; demain, il deviendra une stratégie de survie face aux machines

Un appel au sursaut

« Tant que l’université ne se modernise pas, ne faites pas d’études supérieures, conseille, toujours aussi provocateur, Laurent Alexandre. Travaillez, cultivez-vous, développez l’entrepreunariat et inventez de nouveaux métiers. Aller à la fac, c’est du temps perdu ! »

Qu’on se comprenne bien : ce livre est un appel au sursaut. En exposant les effets destructeurs de la révolution cognitive en cours et en proposant des chemins pour apprendre autrement, il répond à la question fondamentale : que nos enfants devront-ils apprendre demain ? « Ne faites plus d’études » n’est pas un pamphlet contre le savoir, mais une invitation à se préparer à une société où l’apprentissage sera une activité exigeante, permanente et profondément personnelle.