Une prise de position unique sur sept domaines

Beltug, Cigref, CIO Platform et Voice, les quatre associations européennes du numérique appellent les États membres et les institutions européennes à assumer pleinement leurs responsabilités en matière de politique.

La souveraineté est un attribut fondamental des États et des organisations supranationales, estiment Beltug, Cigref, CIO Platform et Voice. « Nous affirmons donc la nécessité pour les États d’exprimer clairement leurs ambitions en matière de souveraineté, non pas pour se fermer au reste du monde, mais pour construire une économie compétitive, durable et ouverte dans laquelle l’industrie numérique européenne a toute sa place. »

En 2025, ont chiffré les quatre associations européennes du numérique, la dépendance numérique de l’Europe en matière de logiciels BtoB et de services cloud équivaut à près de 264 milliards EUR, comme le montre une étude publiée par Asterès en avril 2025. Sans action, et dans un contexte de croissance annuelle moyenne de 10 %, ce chiffre pourrait atteindre 500 milliards EUR en 2032.

« L’Europe ne peut et ne doit pas devenir la proie industrielle d’autres continents. À l’ère de l’IA, nous ne pouvons plus rester spectateurs. Il s’agit d’une question éminemment politique qui dépasse les débats sémantiques sur la définition de la souveraineté. » 

  1. Le « paquet omnibus » pour la simplification réglementaire

Les partenaires européens réaffirment la nécessité d’une plus grande cohérence et uniformité au sein de l’Union européenne.

Les quatre associations appellent donc à un effort ambitieux de rationalisation et d’harmonisation des réglementations numériques. « Nous devons simplifier le modèle de mise en œuvre de la supervision, car il est fragmenté et difficile à prévoir. »

Cette approche doit être pleinement intégrée dans le développement d’un véritable marché unique numérique européen, garantissant une mise en œuvre uniforme et une simplification administrative tangible. À plus long terme, ce processus devrait conduire à une plus grande harmonisation et, le cas échéant, à la mutualisation des autorités de régulation à travers l’Europe. Cela devrait conduire à des règles du jeu réglementaires équitables au sein de l’UE, où les producteurs et les fournisseurs d’origine européenne et extra-européenne se conforment et respectent les mêmes normes juridiques.

  1. Préférence européenne dans les marchés publics

Les signataires réaffirment leur engagement en faveur d’une préférence européenne claire et affirmée dans les politiques de marchés publics.

Une telle préférence n’est pas une forme de protectionnisme, mais plutôt une orientation stratégique visant à renforcer l’industrie européenne des services numériques, favorisant ainsi la compétitivité, l’emploi et la résilience de l’économie européenne. Afin d’encourager les entreprises privées à adhérer à cette dynamique, « nous appelons à la mise en place de mécanismes d’incitation, notamment des mesures fiscales et le partage d’expériences en matière de migration d’un fournisseur à un autre, coordonnés au niveau européen. »

Une politique responsable et souveraine en matière de marchés publics doit devenir un outil clé de la politique industrielle, stimulant la demande de technologies européennes et soutenant la croissance des fournisseurs et innovateurs locaux. Les mécanismes d’incitation pour les nouveaux fournisseurs européens comprennent la création, l’application et, surtout, le maintien à long terme de normes de communication et de protocole dirigées par les autorités de l’UE.

  1. Le cloud souverain et les politiques publiques pour un cloud européen fiable

Pour atteindre cet objectif, il faudra investir massivement dans la puissance de calcul, le stockage des données et la capacité des réseaux, afin que les données européennes restent sécurisées, souveraines et hébergées dans l’espace juridique européen.

La souveraineté numérique nécessite le contrôle des infrastructures critiques, en premier lieu le cloud. À la lumière des récents changements géopolitiques, l’Europe doit développer un écosystème cloud européen fiable, fondé sur des normes élevées de sécurité et de conformité, notamment par la révision de la loi sur la cybersécurité (CSA) et l’évolution du système de certification EUCS. Ce dernier devrait offrir plusieurs niveaux de protection, chacun étant associé à un label de confiance juridiquement contraignant, garantissant une véritable immunité contre la législation extraterritoriale.

  1. Droit de la concurrence et comportement des acteurs dominants du marché

Les signataires soulignent la nécessité urgente de renforcer l’application du droit européen de la concurrence afin de garantir des conditions équitables pour tous les acteurs du marché numérique. Les pratiques abusives de certains acteurs dominants, en particulier dans le secteur B2B, menacent la compétitivité des entreprises européennes et la diversité de l’écosystème numérique.

« Nous appelons la Commission européenne et les autorités nationales à faire preuve d’une vigilance accrue et à mettre en œuvre rigoureusement la loi sur les marchés numériques (DMA). Les grands fournisseurs mondiaux de technologies doivent être désignés comme gardiens lorsque leur position sur le marché leur permet d’imposer des conditions commerciales déloyales, de limiter les choix industriels de leurs clients et de restreindre la libre concurrence. »

  1. Intelligence artificielle fiable

L’IA représente une force économique transformatrice, mais elle nécessite également un cadre de gouvernance responsable et fiable. Ces modèles doivent s’appuyer sur des infrastructures informatiques européennes et incarner la confiance numérique dès leur conception.

Il est tout aussi essentiel de défendre les droits de propriété intellectuelle, de préserver la souveraineté sur les données d’entraînement et de veiller à ce que ces technologies restent exemptes de régimes juridiques extraterritoriaux.

  1. Biens communs numériques

« Nous saluons et soutenons pleinement l’initiative, approuvée par la Commission européenne, visant à créer un Consortium européen pour les infrastructures numériques (EDIC) dédié au développement des biens communs numériques. »

Cette initiative, lancée par la France, l’Allemagne et les Pays-Bas et soutenue par l’Italie, le Luxembourg, la Slovénie et la Pologne, reflète une vision tangible et partagée de la souveraineté technologique. Elle vise à produire des solutions open-source pour les administrations publiques et les entreprises européennes, favorisant l’interopérabilité, la transparence et l’innovation.

Les biens communs numériques constituent la pierre angulaire de la confiance et de l’autonomie numériques européennes, permettant à l’Europe d’innover pour elle-même et par elle-même.

  1. Identité numérique

L’identité numérique constitue le fondement de la souveraineté nationale et européenne dans la sphère numérique. « Nous soutenons le déploiement d’une identité numérique européenne hautement fiable pour tous les citoyens de l’UE, garantissant à la fois la sécurité et la confidentialité tout en assurant l’interopérabilité entre les États membres. »

Une telle identité simplifiera les processus administratifs et économiques, notamment grâce aux procédures KYC (Know Your Customer), tout en renforçant la capacité des gouvernements à protéger et à servir leurs citoyens dans un environnement numérique sécurisé. Une identité numérique européenne robuste doit devenir un instrument concret d’autonomie stratégique et de cohésion dans l’espace numérique européen.

En conclusion, il s’agit de s’accorder sur une définition commune du concept de souveraineté numérique.