La Grenouille et les Nuages-Géants

(Sur base des fables de Jean de la Fontaine : « La Grenouille qui voulait se faire plus grosse que le Bœuf »)

Une Grenouille un jour, dans son modeste étang,
Vit passer au-dessus trois Nuages puissants.
« Voyez ces colosses ! » dit-elle à sa compagne,
« Ils règnent sur les vents, dominent toute la campagne.
Pourquoi l’Europe, hélas, resterait-elle petite,
Quand d’un souffle hardi son avenir s’invite ? »

Alors, se redressant, la Grenouille enfla
Son ventre et ses espoirs… puis à nouveau tenta.
« Je veux — dit-elle — être aussi vaste que ces maîtres,
Qui font pleuvoir des flux qu’on voudrait tous connaître !
Souverains, dit-on, mais de quels cieux dépendrons-nous
Si l’on laisse aux géants le secret de nos goûts ? »

Elle enfla tant et plus, rêvant puissance égale…
Mais son corps frêle cède : un souffle, et tout s’étale.
Le Bœuf des premiers jours, sage, observait plus loin :
« Nul ne grandit d’un coup sans connaître son point.
Mieux vaut, dans son terroir, bâtir lente ossature
Que d’imiter trop vite une force démesure. »

Moralité :

Qui veut rivaliser sans d’abord se connaître
Se perd souvent en vent, quand un chemin peut naître.
Pour qui veut souveraineté sans tomber dans l’orgueil,
La croissance se forge autant qu’elle s’accueille.