L’IA, facteur d’efficacité… ou facteur d’épuisement professionnel ?

Près de la moitié (47 %) des employés utilisant l’IA déclarent ne pas savoir comment obtenir les gains de productivité attendus par leurs employeurs, nous apprend une importante étude de The Upwork Research Institute. Unei ncertitude qui dit beaucoup.

Plus de trois personnes sur quatre (77 %) du panel (2500 C-Suite, employés et free-lances) affirment que les outils d’IA ont diminué leur productivité et augmenté leur charge de travail d’au moins une manière. Par exemple, les personnes interrogées ont indiqué qu’elles passaient plus de temps à examiner ou à modérer le contenu généré par l’IA (39 %), qu’elles consacraient plus de temps à l’apprentissage de ces outils (23 %) et qu’on leur demandait désormais plus de travail (21 %)…

« Nouvelles technologies, vieux problème de productivité ! Ce n’est pas la première fois que nous constatons que des technologies naissantes produisent des résultats de productivité décevants », constate The Upwork Research Institute. Le paradoxe de la productivité illustre que, tout au long de l’histoire du travail moderne, les avancées technologiques ont souvent dépassé les gains de productivité de la main-d’œuvre. S’il est logique de supposer que l’intégration de technologies de pointe devrait améliorer l’efficacité et la productivité, la réalité est souvent différente.

Le paradoxe de la productivité

L’économiste Robert Gordon a documenté le ralentissement de la productivité aux États-Unis depuis les années 1970, parallèlement à une croissance technologique exponentielle. Faisant écho à ce sentiment, l’économiste Robert Solow a déclaré avec ironie : « L’ère de l’informatique est visible partout, sauf dans les statistiques de productivité. »

Ce paradoxe de la productivité résulte de plusieurs facteurs : la courbe d’apprentissage abrupte associée aux nouvelles technologies, le manque d’investissements dans le développement des compétences parallèlement à la technologie, et le décalage fréquent entre la technologie et les processus métier.

« En déployant de nouvelles technologies, aussi prometteuses et prometteuses soient-elles, sans moderniser nos systèmes et modèles organisationnels, nous risquons de créer des tensions sur la productivité : des employés surchargés de travail, mentalement, concrètement et systématiquement incapables d’utiliser ces technologies pour réaliser les gains escomptés. » L’IA générative, peut-on lire dans le rapport, risque de provoquer un nouveau paradoxe de productivité si nous ne repensons pas fondamentalement nos méthodes de travail.

Trouver l’équilibre : les modèles de travail améliorés par l’IA pour l’avenir

L’étude suggère trois impératifs aux dirigeants d’entreprise pour les aider à bousculer le statu quo et à trouver un équilibre entre les approches traditionnelles et non traditionnelles du travail.

Le premier : exploiter les talents non-traditionnels. Par rapport aux employés à temps plein, les freelances sont plus nombreux à se déclarer prêts pour l’IA. Près de la moitié (48 %) des freelances se disent « assez » ou « très » compétents en IA, et plus d’un tiers (34 %) utilisent des outils d’IA au moins un à deux jours par semaine. De fait, 48 % des cadres dirigeants déclarent avoir embauché des freelances pour exécuter des projets d’IA retardés au cours de l’année écoulée.

Le deuxième : co-créer des mesures de productivité. 54 % des employés déclarent que leur entreprise n’a pas une vision précise de leur productivité, et la plupart affirment qu’ils seraient plus satisfaits (81 %) et plus productifs (76 %) s’ils avaient davantage leur mot à dire sur la façon dont leur productivité est mesurée. En résumé, 74 % des employés estiment que l’approche de leur organisation en matière de productivité a besoin d’être revue.

« Lorsque les employés sont davantage impliqués dans la co-création des indicateurs d’évaluation de leur productivité, on constate une plus grande importance accordée à la créativité et à l’innovation, au développement de la relation client et à l’adaptabilité -des qualités que les dirigeants jugent importantes et qui contribuent à la rentabilité. En alignant les résultats co-créés sur les programmes d’IA, les dirigeants peuvent clarifier les attentes et les objectifs de productivité de l’entreprise en matière d’IA, permettant ainsi de mieux équilibrer les besoins de l’entreprise et ceux des collaborateurs. »

Angle mort

Enfin, troisième impératif : développer la maîtrise du langage des compétences. L’implémentation de l’IA a fait naître un besoin urgent d’adopter des approches axées sur les compétences, où la stratégie de gestion des talents se concentre davantage sur la recherche, le développement et la valorisation des compétences plutôt que sur les postes. Cependant, de nombreuses organisations peinent à mettre en pratique cette approche. En réalité, les dirigeants ont une idée assez claire des compétences dont ils ont besoin, la gestion de produits (48 %), l’analyse de données (46 %), la génération et la modélisation de contenu génératif par IA (40 %) et le développement de bases de données (40 %) venant en tête.

« Ce que les dirigeants savent moins bien faire, c’est identifier les compétences déjà présentes dans leur organisation, commente The Upwork Research Institute. S’ils surestiment le niveau de maîtrise et de compétences de leurs collaborateurs avec l’IA, beaucoup reconnaissent avoir un angle mort : seulement 40 % d’entre eux déclarent avoir une bonne connaissance des compétences en IA dans leur entreprise. »

Le risque d’accentuer le sentiment d’épuisement professionnel déjà présent 

Sans cette visibilité, il sera très difficile, voire impossible, de fixer des objectifs pertinents et d’identifier les talents, comme les freelances, qui peuvent le mieux combler les lacunes. Si la plupart des dirigeants affirment que les compétences et les qualifications sont plus importantes que les diplômes, tant pour les talents à temps plein (60 %) que pour les freelances (58 %), ces compétences ne peuvent générer une productivité supplémentaire dans un système plus vaste que si elles ont été correctement répertoriées, évaluées et développées.

L’IA est une technologie révolutionnaire et prometteuse, mais son intégration dans les systèmes et modèles qui freinent la productivité depuis des années aggrave les problèmes existants, assure The Upwork Research Institute. « En donnant aux employés l’accès à des outils d’IA dans le cadre de leurs fonctions et flux de travail et en leur demandant d’en tirer des bénéfices, nous risquons d’accentuer le sentiment d’épuisement professionnel déjà présent. »

Pour exploiter pleinement le potentiel de l’IA, nous devons transformer en profondeur notre façon d’organiser les talents et le travail, conclut The Upwork Research Institute. « Un meilleur équilibre entre productivité et bien-être nécessite de nouvelles méthodes de travail. Faire plus avec moins, ignorer les viviers de talents alternatifs et s’en tenir à une mesure de la productivité descendante ne fonctionnera tout simplement pas à l’ère de l’IA. »