Ce n’est plus le temps des pitchs, mais le temps des preuves
Nécessaire retour à la rigueur, à la preuve terrain et à une IA conçue pour livrer -plus seulement séduire. Fin du hype. Tel fut un des messages forts de TechXperience, ce jeudi 26 juin.
« La question de l’IA c’est avant tout une affaire de gain de productivité et de valeur ajoutée ! » Le message d’Arnaud Spirlet, CEO, Win & Computerland, au cours de l’événement TechXperience au Business Village Ecolys à Namur, est on ne peut plus clair : fini le hype !
L’adoption de l’IA, c’est moins un bond technologique qu’un chemin culturel. Ce chemin se trace pas à pas, avec rigueur, modestie et ambition. « On n’investit pas dans l’IA pour suivre la tendance, mais parce qu’elle rebat les règles du jeu économique. Ce qui compte, ce n’est pas l’outil, c’est ce que nous faisons avec. »
Sous la pression médiatique prônant l’« IA à tout prix », on assiste à un phénomène d’« AI washing » où la technologie est considérée comme une finalité plutôt qu’un moyen. Ce qui conduit à des solutions adoptées sans réelle justification, y compris pour des cas trop simples qui ne nécessitent pas de l’IA. On observe alors une poussée technologique plutôt qu’une approche guidée par les besoins aboutissant à des applications gadgets.
La vitesse sans structure est un leurre
Un mauvais ciblage du problème, souvent lié à des objectifs flous, peut conduire à déployer une IA sophistiquée sur un cas d’usage mineur ou déjà géré par d’autres moyens. Le projet peut alors « réussir » sur le plan technique, tout en échouant sur son intérêt réel.
Si 80 % des entreprises auront recours à l’IA générative d’ici 2026, 30 % de ces projets pourraient tourner court dès 2025, a chiffré Gartner. Autrement dit, la vitesse sans structure est un leurre. Ce n’est pas l’outil qui transforme l’entreprise, mais l’organisation qui s’adapte à l’outil.
En évoquant l’importance de la gouvernance de l’IA, Hugues De Pra, Chief Digital Officer, Win & Computerland, confirme le basculement . « On traite souvent l’IA comme un sujet technique. C’est une erreur. C’est un sujet de transformation. Pas de succès sans gouvernance pour, précisément, transformer les projets d’IA en leviers d’impact concret, responsable et durable ! »
Changement structurel profond
Cette gouvernance doit être forte et multidisciplinaire. Il s’agit en effet d’ajuster les décisions, suivre les retours terrain et lisser les effets de la fameuse « courbe de désillusion » que connaissent toutes les équipes confrontées à un hype technologique. « L’IA n’est pas une simple vague technologique de plus. C’est un changement structurel, profond. Et c’est précisément pour cela qu’elle ne pardonne pas l’improvisation. »
Les visiteurs de TechXperience l’ont bien compris : trop d’acteurs ont cru qu’ajouter une couche d’IA suffisait à rendre un produit innovant. Mais une technologie puissante, plaquée sur un modèle bancal, reste une mauvaise solution.
L’exigence du temps long
« L’IA c’est un hype qui a mis les organisations sous pression ! », rappelle Hugues De Pra. Et souvent pour des finalités différentes. Comme le note le consultant Quentin Bihay, l’IA c’est du top down, les objectifs peuvent être radicalement différents. « J’ai accompagné deux clients avec deux objectifs différents. Pour le premier, un organisme public, c’est l’humain ; soulager son travail -donc pas de KPI. Pour le deuxième, diminuer la masse salariale ! »
Aussi, l’IA ne doit pas être une opération cosmétique. Elle doit être intégrée au cœur du modèle, pensée nativement, construite autour de l’usage. Cela suppose une exigence que l’écosystème tech a parfois mis de côté : celle du temps long, de la rigueur produit, et de la preuve par les faits.
André de Woot – Alain de Fooz