La peur de l’échec ne doit pas freiner l’Europe dans l’innovation GenAI

Les dirigeants européens considèrent souvent l’innovation comme un risque plutôt que comme une opportunité. Cette réticence nous fait parfois hésiter à investir dans des technologies qui semblent incertaines, comme la GenAI. Explications de Jacques Pommeraud, président-directeur général du groupe Inetum.

Alors que les États-Unis et la Chine progressent rapidement dans le développement et l’application de GenAI, l’Europe reste prudente. Malgré l’élan donné par le Sommet de l’action sur l’IA à Paris, l’Europe hésite à déployer cette technologie à grande échelle. « Si nous restons hésitants, nous risquons d’être distancés et de perdre notre compétitivité à long terme, prévient Jacques Pommeraud. Mais pourquoi les dirigeants européens sont-ils si hésitants ? 

Notre culture joue un rôle important à cet égard. Les Américains expérimentent plus rapidement et prennent plus de risques, tandis que les Européens préfèrent d’abord tout étudier à fond et éviter les erreurs. Par conséquent, les dirigeants européens considèrent souvent l’innovation comme un risque plutôt que comme une opportunité. « Cette réticence nous fait parfois hésiter à investir dans des technologies qui semblent incertaines, comme la GenAI. »

Plus de place au progrès

L’Europe a récemment annoncé son intention d’assouplir la loi sur l’IA – un pas dans la bonne direction. Moins de paperasserie et moins d’obstacles, en particulier pour les PME et les petites entreprises, permettront à un plus grand nombre d’entreprises de se lancer réellement dans l’IA. Jusqu’à présent, la loi était principalement synonyme d’incertitude juridique, de coûts élevés et d’administration supplémentaire, en raison de règles complexes en matière de gestion des données, de transparence et d’évaluation des risques. En assouplissant les règles, l’Europe freine moins l’innovation et laisse plus de place au progrès.

« Mais l’indépendance technologique continue de susciter des inquiétudes, estime Jacques Pommeraud. La plupart des solutions d’IA provenant des États-Unis, certains y voient une menace pour la souveraineté numérique. Les entreprises européennes hésitent donc à utiliser ces outils. »

Pragmatisme, réglementation plus intelligente et investissements ciblés

Pour ne pas se laisser distancer par le reste du monde, l’Europe doit devenir plus pragmatique et considérer l’IA comme un moyen et non comme une fin en soi. Les entreprises et les gouvernements doivent abandonner le débat sur la souveraineté et utiliser au quotidien toutes les technologies d’IA disponibles. « Comme pour d’autres technologies qui ont changé le monde, telles que l’énergie à vapeur ou les premiers ordinateurs, c’est celui qui les utilise efficacement et à grande échelle qui l’emporte, et non celui qui les a inventées, assure Jacques Pommeraud. L’IA fait déjà ses preuves dans de nombreuses organisations en simplifiant les processus, en améliorant les services et en augmentant la productivité. »

Les entreprises innovantes ont besoin d’un environnement réglementaire plus simple et plus favorable. Les règles actuelles sont trop compliquées, laissant les entreprises coincées dans un labyrinthe de législation européenne, avec des ajustements locaux pays par pays. « Cela ralentit notre croissance et l’adoption de nouvelles technologies. En alignant davantage les systèmes nationaux et en simplifiant les règles, nous pouvons renforcer le pouvoir d’innovation de l’Europe, tout en maintenant des normes éthiques strictes. »

Nous pouvons également exploiter le grand potentiel de l’épargne européenne. Avec un taux d’épargne de 15,7 %, l’Europe dispose d’importantes ressources à investir dans l’économie. « Nous devons trouver des moyens de canaliser ces capitaux vers les entreprises innovantes et les programmes de recherche et de formation de GenAI. Par exemple, il faut envisager des allègements fiscaux pour les investissements dans les start-ups de l’IA, la création de fonds spécialisés dans l’IA européenne et des partenariats public-privé pour réduire les risques liés aux investissements précoces dans la GenAI

GenAI, combler le fossé

L’Europe doit agir rapidement pour éviter que ses entreprises et ses régions ne prennent du retard dans la course aux technologies. « La GenAI offre de nombreuses possibilités de renforcer nos économies, d’améliorer nos vies et de résoudre des problèmes sociétaux. Mais cela n’est possible que si nous considérons l’IA comme une opportunité, et non comme une menace. »

L’ambition d’assouplir la loi sur l’IA est un bon premier pas, mais pas suffisant. Si l’Europe veut vraiment accélérer, l’ensemble de l’écosystème doit évoluer avec elle. Cela signifie davantage d’investissements dans les infrastructures, des programmes de formation plus solides et plus d’espace pour l’expérimentation. Et Jacques Pommeraud de conclure : « Les gouvernements et les institutions doivent créer un climat dans lequel les entreprises osent, peuvent et sont autorisées à innover. Ce n’est qu’à cette condition que nous pourrons accélérer la transformation numérique qui bat déjà son plein. »