Pour Eric Gryson, CEO Ricoh Belgium / Luxembourg, le «paperless» est irréaliste et démagogique. Le «less paper» est, quant à lui, réaliste et source d’innovation.
«Dans un monde où nous essayons de nous projeter dix ans en avant, nous sommes toujours bien vite rattrapés par la réalité, celle qui n’est ni virtuelle ni augmentée. Une stratégie full digitale reste une utopie», estime Eric Gryson, CEO Ricoh Belgium / Luxembourg.
Une sentence aux allures de provocations. Sauf si l’on y réfléchit bien… Nombreux sont les experts qui invitent encore aujourd’hui les entreprises à se poser la question de l’équilibre entre la communication physique et la communication digitale. Et nombreux, aussi, sont ceux qui le font avec une petite idée en tête : faire pencher la balance du côté digital. En une petite décennie, bien des entreprises s’y sont laissées prendre. Elles se sont engagées dans une stratégie pompeusement appelée ‘full digital’ sans un seul regard en arrière. Corollaire inévitable de ce qu’il faut bien appeler, avec le recul, un effet de mode, tout ce qui n’était pas digital a rapidement semblé bon pour le musée. Sauf que le consommateur ne l’entendait pas de cette oreille. Bien au contraire. En une autre petite décennie, et fort du pouvoir que le numérique lui a donné sur les entreprises, il a réussi à imposer le retour de la communication papier comme un élément essentiel de la relation.
Etre dans le concret à un moment ou un autre des échanges
La communication papier et la communication physique sont et restent des éléments essentiels des relations commerciales; elles permettent de répondre au besoin indéniable de chaque individu d’être dans le concret à un moment ou un autre des échanges. «Dans la sphère économique, par exemple, la collaboration entre les personnes reste le facteur numéro un d’innovation et nous permet de rester concurrentiels face à des pays qui offrent un main d’œuvre bien meilleur marché que celle que nous sommes en mesure de proposer», observe Eric Gryson.
Ce qui se passe dans l’industrie du livre est assez révélateur : après avoir connu un boom digital, on peut voir aujourd’hui que le numéro un du livre digital connait des revers importants. Même si l’idée d’avoir à disposition une bibliothèque entière en poche était attractive, force est de constater que la communauté des e-readers est saturée et que la majorité des lecteurs préfère le papier, qui est émotionnellement plus fort qu’un écran de smartphone !
«La réalité est qu’il arrive toujours un moment où le consommateur, mais aussi le collaborateur dans l’entreprise, a besoin de ‘toucher’, d’être dans le concret. Ce moment très particulier est toujours lié à un besoin d’échange, et donc de communication. Par exemple, c’est lorsque vous arrivez au point de contrôle qu’il faut pouvoir montrer votre billet pour passer le portique et aller prendre votre avion !» Bref, imprimée ou affichée sur l’écran du smartphone, l’information n’en est pas moins rematérialisée à ce moment précis pour permettre l’échange. L’impact négatif de ce moment charnière ou passerelle entre le digital et le physique sur l’effort client, et donc sur sa satisfaction, est fréquemment sous-estimé.
«Exclusivement formulé en termes technologiques, le discours a longtemps brouillé la vue des entreprises qui n’ont pas perçu que résidait là l’un des plus puissants leviers de simplification au service des clients. Au contraire, elles ont souvent tenté d’imposer à leurs clients des technologies nouvelles, mais que les consommateurs ont jugé trop complexes, trop contraignantes ou inappropriées aux circonstances.»
La valeur du digital
Cependant, le digital prend tout son sens quand il permet, par exemple, en opposition avec l’impression offset, de répondre à une demande locale d’impression et donc de réduire le gaspillage et l’empreinte écologique.
Grâce à la digitalisation d’informations, qu’il s’agisse d’archives, de courrier, … les employés de chaque entreprise deviennent nomades et donc plus flexibles, l’information dont ils ont besoin devenant disponible de partout, au moment où ils en ont besoin.
«Digitaliser tout et à tout prix ne sert à rien, estime encore Eric Gryson. Qu’on le veuille ou non, le papier est quant à lui une réalité et restera toujours indispensable à l’échange. Le secret est d’avoir un mix intelligent entre le papier et le digital afin d’ouvrir les portes à la créativité et à l’innovation…»
Et Eric Gryson d’illustrer son propos avec les appareils photos. «Au temps de l’argentique, nous étions très sélectifs dans les photos que nous prenions. Aujourd’hui, nous faisons un grand nombre de photos digitales, que nous devons prendre le temps de trier par la suite. Mais le résultat final reste identique : les meilleures terminent toutes dans un album imprimé, si l’on en croit les chiffres de vente croissants des sites proposant l’impression d’albums photo.»
La réalité, c’est tout simplement la «vraie vie» !
Acceptons de changer de perspective et d’état d’esprit, conseille Eric Gryson. «Le digital et le physique ne s’opposent pas, ils se complètent. Les technologies les plus récentes d’interface digitale peuvent par exemple permettre de proposer des expériences client ou utilisateur inédites.»
Citons la vitrine virtuelle, qui évitera au client de plonger le nez dans son smartphone pour en savoir plus sur le produit qu’il a devant les yeux dans la vitrine, et peut-être de poursuivre son chemin sans entrer et acheter parce qu’il sera distrait par autre chose.
Dans l’entreprise, que de temps gagné avec un tableau blanc numérique qui permet d’annoter en direct la présentation ou le plan sur lequel on travaille en équipe, exactement comme on le ferait avec un document papier. Rien de plus facile également que de profiter des synergies entre un flyer imprimé et un site de vente en ligne, grâce à une application capable de reconnaître l’image de couverture du flyer et de diriger l’internaute vers le site concerné sans avoir aucune adresse web à saisir.
«Si les experts que nous évoquions tout à l’heure ont raison sur un point, c’est que le digital entre inexorablement dans notre quotidien et y prendra une place toujours plus grande, conclut Eric Gryson. En revanche, si nous sommes tous d’accord pour dire que le monde de demain sera digital, il ne deviendra pas virtuel pour autant, sauf à basculer dans la science-fiction !» Toute numérique qu’elle soit, l’information devra toujours être échangée, partagée, touchée, feuilletée… La réalité ne sera jamais virtuelle ou augmentée… la réalité, c’est tout simplement la «vraie vie», celle de la communication interpersonnelle et inter-objets.
Merci pour cet article et ce point très intéressant! Moi qui applique le Paperless chez moi, je suis entièrement d’accord avec cette définition du “Less paper plutôt que du Paperless”. Il est utopique de croire que le papier disparaîtra de nos vies et qu’on pourra s’en passer. Par contre, le numérique apporte vraiment un plus grâce au stockage, à la sauvegarde, aux facilités de recherches, etc.